En 1883, le village de Millden (Nevada) voit le jour, à quelques kilomètres de la frontière californienne et de la tristement célèbre Death Valley. Construit afin d'héberger un bon nombre de cheminots et leurs familles destinés à entretenir les lignes de fer qui reliaient les deux états, il permet aussi l'installation d'une toute nouvelle gare dont la halte n'attirera pas foule. Pendant de nombreuses années défilent les locomotives aux dos bombés de marchandises sans un regard vers ce hameau dénué de caractère et ses habitants aux visages brunis par le soleil. De toute évidence, comme bien d'autres bourgades de son genre à la même époque, Millden est vouée à disparaître en ne laissant derrière elle seulement quelques pauvres bâtisses en bois qu'une tempête saurait ébranler d'un souffle.

En 1905, tandis que Millden ne compte plus qu'une centaine d'habitants, une gigantesque porte haute de 30 mètres fait son apparition sur la colline rocheuse qui borde l'est du village, visible depuis toutes les fenêtres et radieuse, comme si elle avait été façonnée par les mains d'une quelconque entité divine. Elle suscite autant d'inquiétude que de fascination. Millden se divise à son sujet. Certains suggèrent de la détruire, d'autres de l'étudier. Par peur, une poignée de familles s'en va - ce fut un excellent prétexte pour beaucoup d'entre elles afin de quitter ce maudit village où il ne faisait même pas bon vivre. Au bout du compte, la majorité s'accorde à garder ce secret pour eux au moins quelques temps. Mais c'est sans compter l'intrépide et imbécile Henry Thompson qui envoie dans la foulée un communiqué à ce sujet à une grosse agence de presse en espérant empocher le pactole. En un rien de temps, les médias débarquent à Millden accompagnés de citadins curieux, de scientifiques et d'hommes politiques. Millden est devenue une bête de foire, fascinante et effrayante. Des recherches se succèdent, au moins juste assez pour laisser le public se lasser de cette histoire. Aucune explication, encore aujourd'hui, n'existe. Les études ne donnent rien et les tentatives de destruction sont vaines. Par ailleurs, les portes ne donnent sur rien d'autre que la continuité du paysage qui les entoure. Toutefois, la couverture médiatique permet à Millden de s'enrichir rien qu'un peu.

En 1916, la porte du haut de la colline s'ouvre, déversant à ses pieds et sur plusieurs hectares autour d'elle une végétation resplendissante, des marécages et bien d'autres merveilles qui ne sauraient pourtant naître dans un environnement aussi sec que celui du désert. Cette bénédiction choque Millden et le reste du monde, d'autant que d'autres portes ont été localisées entre temps - ou peut-être sont elles apparues au fur et à mesure ?
L'agriculture prend forme dans ce bout de la région, Millden attire de nouveaux résidents petit à petit. Il y fait presque bon vivre.

En 1922, un tremblement de terre affole Millden. Une gigantesque crevasse est apparue en ayant engloutit le quart d'un quartier résidentiel. Ce drame devient une nouvelle chance lorsque les habitants réalisent qu'au fond de la crevasse, une porte à demi ensevelie s'est ouverte. C'est la dixième et dernière localisée depuis 1905. En fouillant un peu plus là-dedans, la découverte de pierres précieuses - des émeraudes - engendre du travail. De gigantesques mines sont creusées. De nombreux investisseurs s'impliquent dans l'extraction de l'émeraude. Millden construit à la chaine pour accueillir les mineurs. Depuis 1930, les ressources sont épuisées. Les boyaux souterrains ont été vidé de leur richesse.

En 1931, la somptueuse porte transparente du centre-ville s'ouvre à son tour. Un désastre de plus pour Millden puisqu'elle y vomit un lac entier, emportant l'hôtel de ville et les commerces qui l'entourent. C'est un lac étrange, comme une minuscule mer qui produit de douces vagues venant d'on ne sait où - des vagues, qui, à chaque fois qu'elles s'essoufflent sur les rives où rencontrent un obstacle, relâchent un agréable parfum d'eucalyptus. On y découvre sans tarder qu'il s'agit d'un lac miraculeux, capable de guérir des souffrances physiques ou mentales. Millden, en quelques mois seulement, devient un lieu de pèlerinage. De bons croyants et de malades traversent le monde entier pour y faire un baptême. Deux vagues suffisent. Millden, suite à cet évènement, en plus de s'être évidemment enrichie, a pris la sage décision de ne plus construire trop proche des portes.
Cependant, comme les émeraudes, le lac s'est épuisé et n'a plus les effets escomptés depuis la fin des années 40. Il paraît même qu'il aurait l'effet contraire, rendant malades ceux qui y plongeraient trop longtemps. L'odeur d'eucalyptus s'est évaporée et l'eau est devenue noire. La porte dont l'encadrement sort du lac paraît s'être assombrie elle aussi, malgré sa transparence.

En 1938, le 14 mai, Tia Tate qui se rend comme tous les matins à la porte la plus au sud de la ville pour la dorloter, découvre son battant grand ouvert. Tout autour, c'est plusieurs centaines de bébés nus hurlants à plein poumons qui se roulent dans le sable. L'épisode du Baby Boom est pour le moins le plus choquant de tous car il a nécessité bien plus d'humanité que tous les autres. Ces enfants, après études, ne sont pas anormaux. Au contraire, ils sont tous en très bonne santé et grandissent ainsi. Cependant, les bébés issus de la porte sud ne peuvent tous être adoptés à Millden. Bon nombre sont éparpillés dans différents orphelinats de l'État du Nevada, adoptés ou non. Tous ont un lien étroit avec les portes et affirment entendre celles-ci leur murmurer des choses - mais ils sont incapables de les décrypter.

En 1954, tandis que Millden prospère, une nouvelle porte s'ouvre et déferle sur la ville une étrange pluie s'écoulant à l'horizontale, comme un torrent. Dans les jours qui suivent, ceux qui n'ont pas été à l'abri de la pluie manifestent d'étranges modifications psychiques et corporelles. Certains manient l'eau, d'autres la foudre - c'est ainsi que naissent la première vague de super-héros dignes des comics que l'Amérique du Nord adulent tant. De toute évidence, Millden devient une destination touristique de choix - tous ces mutants font le show quand ils ne se dévouent pas à des causes justes autour du monde. Plusieurs personnes sont porteurs d'un pouvoir latent - ils se manifestent beaucoup plus tard que les autres -, de la même manière que bon nombre de femmes accouchent de bébés mutants dans les années qui suivent (et encore à ce jour).

En 1965, la fête se termine. Millden fait face à une terrible épidémie sortant d'une sixième porte. Elle rend terriblement fiévreux, menant les plus faibles à une morte certaine. Les autorités décident de placer la ville sous quarantaine, les aides n'affluent pas très longtemps. Certains affirment que le gouvernement américain cherche à annihiler Millden comme s'il s'agissait d'un mauvais présage depuis plusieurs décennies - d'où l'absence de recherches sur un éventuel vaccin. Finalement, l'épidémie se dissipe d'elle-même au bout d'un an.
En 1966, la quarantaine terminée, Millden tente de regagner la popularité près des touristes mais trouve à la place le triste titre de ville maudite. À la place, elle reprend ses allures d'antan, de vieille bourgade que personne ne regarde et où l'on s'ennuie profondément.

Votre histoire, sur ce forum, commence à l'été 1969. Millden, surnommée la Ten Gates Town, est rouverte depuis un an maintenant mais peine à retrouver sa gloire d'antan. Quatre portes sont encore fermées aux endroits suivants : au bord de la route à deux kilomètres de la ville, dans le sous-sol du manoir abandonné, à proximité du stade de baseball et dans le désert.
D'où viennent-elles ? Que veulent-elles dire ?